Préface de Pierre TCHERNIA
                                 (en page 7, et extraits en 4ème de couverture)

La petite géographie parisienne des gens de cinéma se réduit d'année en année : on a rasé Saint-Maurice, Joinville, Billancourt… il nous reste Epinay, nos derniers grands studios flanqués, à quelque pas, des laboratoires ÉCLAIR.

Je suis allé à Epinay, pour la première fois il y a bien longtemps, en suivant la Seine. On passait devant des usines qui donnèrent à René CLAIR l'idée d’ À nous la liberté et on arrivait sur le terrain d'extérieurs où Jacques FEYDER avait fait dresser la ville flamande de La Kermesse héroïque.

Je me souviens de l'odeur de bois et de peinture des studios. Les murs insonores étaient faits de paille compressée, sanglés de cornières métalliques et troués de portes épaisses que surmontaient de grosses lampes rouges.

Je me souviens de ma découverte des laboratoires, des pavillons bandés d'échelles de fer et percés de portes de secours. On découvrait de grandes salles claires où des menteuses en gants blancs collaient des négatifs, et de longs couloirs sombres où rôdait l’odeur âcre et acidulée des bains de développement.

L'ouvrage que voici constitue une promenade dans la grande histoire d’ÉCLAIR, promenade historique et reportage d'actualités aussi. Je viens de découvrir que l'aventure a commencé en 1895 quand Ambroise-François PARNALAND a mis au point son Photothéagraphe. Ils n'étaient pas avares de noms extravagants à cette époque ! Songez qu'il y a eu un Cinébaroscope, un Badizographe, un Cinématoterme ! Tout le monde inventait des griffes, des pignons, des cames : on a déposé 123 brevets d'appareils en 1896 !

Le centenaire du cinéma a ceci de bon qu'on nous révèle enfin toute une saga méconnue, celle des jeunes aventureux qui rêvent de cinéma comme on rêve d’aviation, en ce beau début de siècle où on ne sait pas encore que, quelques années plus tard, comédiens et opérateurs iront s'habiller en bleu horizon.

Vous allez lire, comme moi, l'aventure parallèle des comiques est des feuilletons ÉCLAIR : Gavroche et Protéa, Pétronille et Balaoo.

De tout cela, hélas il ne reste pas beaucoup de traces : j'aimerais tant voir l'épisode de Nick Carter qui porte ce joli titre : Les dragées soporifiques ou le mystère du lit blanc …

Des forêts de pellicule-flamme qu'il parcourt inlassablement, Francis LACASSIN m'a rapporté une belle révélation : Zygomar. Ai-je assez entendu, quand j'étais enfant : « Celui-là, c'est un drôle de Zygomar ! » Voilà que je découvre que ce héros cruel traçait des Z (… d'un Z qui veut dire Zorro) en commençant par le bas ! Z’à la vie, z’à la mort !

Bref, je ne vais pas vous raconter ce livre que j'ai lu avant vous. Lisez-le, regardez-le. Promenez-vous dans le monde d’ÉCLAIR, vous allez rencontrer Louis NALPAS et Victorin JASSET, mais aussi RESNAIS, SAUTET et BLIER, car ça continue !

Oui, oui, Epinay continue : silence on tourne… encore !